Portraits du Collectif Tricolor. Une multiplicité de professions, et autant d’hommes et de femmes engagés dans la restructuration des filières lainières françaises. À travers une série d’entretiens, le Collectif Tricolor vous emmène à la rencontre de ses partenaires. __________________________________

Aujourd’hui, rencontre avec Nathalie Sautter, directrice adjointe du Parc naturel régional [PNR] du Haut-Languedoc.

A l’image d’Antoine Janot, maître-teinturier occitan dont les couleurs éclatantes assuraient au XVIIIe siècle l’engouement pour les draps du Languedoc jusque dans l’Empire ottoman [1], le PNR du Haut-Languedoc cherche aujourd’hui à revaloriser ses ressources lainières et ses savoir-faire teinturiers locaux.

Le Parc naturel régional du Haut-Languedoc, un territoire au cœur de l’histoire de l’industrie lainière française  

Point charnière entre le Tarn et l’Hérault, « à la rencontre des deux midis », le territoire du Haut-Languedoc incarne un haut lieu de l’histoire de la laine en France. Si aujourd’hui son développement économique s’appuie essentiellement sur le boisement et l’agriculture [qui représente 31% de l’activité économique du territoire], le Parc n’en mène pas moins des projets spécifiques de recherche et d’innovation, par exemple autour de la pierre ou de la laine. Depuis deux ans, la problématique de la laine essaime les territoires où l’élevage ovin est très présent, car le coup de frein mis par la Chine ces dernières années dans ses importations a directement impacté les éleveurs, les laissant chargés des toisons de leur tonte annuelle… 

En effet, si la laine fut une ressource économique majeure de la région pendant près de deux siècles [2], elle connut un déclin important comme l’ensemble de l’industrie textile dès les années 1960, suite à la délocalisation des productions. Sur l’ensemble des entreprises spécialisées dans la transformation de laines, quelques-unes seulement ont perduré, grâce à l’excellence des savoir-faire qu’elles ont su préserver. Ces belles réussites sont par exemple l’entreprise Jules Tournier & Fils pour le filage et le tissage, ou les entreprises Missègle et Manufacture Regain pour le tricotage. Elles incarnent des points de repère pour la région. Du négoce à la filature, au tissage, au tricot et à l’ennoblissement [teinture], toutes les étapes de transformations ont été maintenues sur ce territoire de près de 3000 km 2 [hormis le lavage dont il ne reste qu’une seule unité en France, en Haute-Loire]. La richesse régionale initiée par l’industrie du délainage à Mazamet au XIXe siècle cherche donc aujourd’hui à se réinventer et permet au patrimoine encore présent [3] de retrouver son dynamisme premier. 

Parallèlement aux objectifs liés à l’élevage, tout un pan de l’activité du Parc concerne la conservation et la valorisation de la faune et de la flore locales. Les actions menées en ce sens ont notamment donné naissance à un projet de recherche autour des plantes tinctoriales en partenariat avec le Collectif Tricolor. Le but ? Valoriser l’existant, et éviter de développer des cultures additionnelles.

 

« [Les entreprises textiles] incarnent des points de repère pour la région. »

 

Les couleurs du Haut-Languedoc : un projet commun avec le Collectif Tricolor

Fort de son expérience lainière et dans la tradition historique d’ennoblissement de cette matière ancestrale, le Collectif Tricolor a naturellement imaginé mener un projet rassemblant le savoir-faire des teintures naturelles du Languedoc avec la ressource lainière locale, trop souvent dévalorisée à cause de sa rusticité. Une rencontre s’est ainsi tenue à Mazamet avec un ensemble de partenaires autour des problématiques du lavage [première étape de transformation de la laine] et de la teinture. Au cœur du mouvement contemporain tourné vers des transformations plus locales et respectueuses de l’environnement, ces deux industries ont en effet vocation à renaître. L'événement fut l’occasion de montrer des tests en cours, comme la teinture au châtaignier ou au réséda, et d’apprécier le retour des marques et la manière de chacune de se saisir des couleurs. Ce projet souhaite contribuer au développement, parallèlement à la laine, d’une filière d’exception pour les plantes tinctoriales.

A la différence de certains Parcs dont la collecte de plantes dites « invasives » est systématique, comme le PNR de Camargue [voir à ce propos le Club des plantes invasives de LUMA Arles, membre fondateur du Collectif Tricolor], le PNR du Haut-Languedoc reste dans une démarche de collecte ponctuelle dédiée à l’expérimentation. Les plantes ramassées comme la fougère, ou le genêt sont très présentes, mais ne constituent pas une préoccupation à laquelle le Parc devrait remédier. Les projets d’innovation ont donc toute leur place et de nombreux partenaires peuvent y contribuer. Pour Les couleurs du Haut-Languedoc, se croisent ainsi des entreprises aux profils multiples. De Green’ing à Bédarieux qui développe des pigments, au teinturier Xavier Plo, à la Filature Colbert, et à la designeuse Sandrine Rozier, un grand nombre de maillons de la chaîne de transformation ont été sollicités.

 

« Le projet [Les couleurs du Haut-Languedoc] souhaite contribuer au développement, parallèlement à la laine, d’une filière d’exception pour les plantes tinctoriales. »

 

La laine de brebis Lacaune, un projet d’avenir

Si le PNR du Haut-Languedoc possède une surface essentiellement forestière, il n’en reste pas moins une terre d’élevage, illustrée par sa proximité avec le « rayon de Roquefort », dont le fromage de brebis correspond à la plus vieille appellation fromagère, créée en 1925. En sus de cela, le cheptel de race Lacaune en France est le plus important rassemblement de moutons de même race sur un territoire en Europe [pour en savoir plus cliquez ici !].

Afin de valoriser cette ressource locale riche, un projet de création a été proposé aux étudiantes de la filière design textile de la Haute école des arts du Rhin - HEAR. L’objectif consiste à expérimenter la matière tout au long de l’année pour aboutir à la création finale d’objets et accessoires en laine. La rencontre avec les éleveurs et transformateurs de la région ont déjà permis aux étudiantes de récupérer des lots de laines dans ses différents états [en bourre, filée, tissée...] En mai 2022, un jury déterminera les pièces industrialisables qui entreront dans la gamme de produits de la marque « Valeurs Parc naturel régional ».

Créée en 2016, la marque « Valeurs Parc naturel régional » a été développée par la Fédération française des PNR et inclut la participation de l’ensemble des PNR qui souhaiteraient valoriser les produits de leur territoire. Chacun est libre de s’en emparer, et le PNR du Haut-Languedoc compte 165 entreprises labellisées dans son giron. Celles-ci incluent des producteurs dont des viticulteurs locaux,  des hébergements, mais aussi des sites de découvertes et des prestataires d’activités de pleine nature.

Pour conclure, la politique actuelle du Parc  est de contribuer à développer de nouveaux débouchés pour la filière lainière locale. L’idée étant d'associer des savoir-faire qui se complètent, un ensemble d’entreprises locales a été contacté pour permettre au final de couvrir l’ensemble du processus de transformation ! Pour l'instant, le négociant Laroue a fourni la bourre, et le Passe-Trame s'est occupé du tissage. Le projet en est à sa phase de recherche et la communication autour de celui-ci abonde. [4] Il semble de plus en plus que la communication constitue une clé de réussite…
 

Article rédigé suite à un entretien avec Nathalie Sautter, directrice adjointe du PNR du Haut-Languedoc,
 le 9 décembre 2021

Notes 

[1] Pour en savoir plus : https://www.tela-botanica.org/2019/04/des-couleurs-pour-les-lumieres-antoine-janot-teinturier-occitan-1700-1778/

[2] Le bassin Castres - Mazamet fut au cours du XIXe siècle un pôle mondial de transformation de laines. Mazamet étant devenu un centre de délainage de référence dans le monde grâce à une nouvelle technique de séparation des peaux et des toisons, ainsi qu'au développement de l'élevage ovin intensif en Australie, la ville passa de 5 474 à 10 368 habitants entre 1800 et 1856 ! Lire à ce propos : Rémy Cazals, Cinq siècles de travail de la laine : Mazamet, 1500-2000, Éditions Midi-pyrénéennes, 2010.

[3] La voie ferrée construite au XIXe siècle pour transporter les ouvriers reste en activité, et un fond important de machines textiles est encore présent dans les usines locales.

[4] Consulter les articles suivants :

https://www.letarnlibre.com/2021/10/08/10958-laine-lacaune-valorisee-transformee-objets-design-par-etudiants.html

https://www.ladepeche.fr/2021/10/13/un-projet-pour-valoriser-la-laine-des-brebis-de-lacaune-9847849.php

https://www.ladepeche.fr/2021/10/16/un-projet-pour-valoriser-la-laine-des-brebis-lacaune-9856610.php

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