Portraits du Collectif Tricolor. Une multiplicité de professions, et autant d’hommes et de femmes engagés dans la restructuration des filières lainières françaises. À travers une série d’entretiens, le Collectif Tricolor vous emmène à la rencontre de ses partenaires. __________________________________

Aujourd’hui, rencontre avec Solène Naeye, responsable Bon Sens pour la marque Le Slip Français. La marque préfère parler de “Bon sens” plutôt que de “Responsabilité sociale des entreprises” [RSE], une notion qui peut paraître compliquée à appréhender pour dire quelque chose de très simple…

Précurseurs depuis dix ans d’une mode locale et responsable, la marque de sous-vêtements et de prêt-à-porter Le Slip Français rassemble aujourd’hui une trentaine d’ateliers sur le territoire français. Toujours plus fort de son engagement, il vient d’ouvrir une usine de pantoufles à Châtillon-sur-Indre, dont il partage les locaux avec Léon Flam [projet financé par Tudigo, membre fondateur du Collectif Tricolor], autre acteur de la fabrication locale et de la réinvention de la filière textile française.

Pour commencer, que vous évoque personnellement le mot « laine » ?

C’est large comme question ! Mais je dirais tout de go un bon gros pull de famille que l’on garde de génération en génération. D'un côté il est très chaud, et de l’autre il gratte un peu… mais cela s’oublie vite. 


Qu’est-ce qui vous a amenée à exercer votre profession ?

Mon parcours est un peu particulier, car tout a commencé par un job étudiant dans une boutique du Slip Français. J’étais alors en école de commerce et je m'intéressais depuis de longues années au secteur textile, intriguée par l'histoire de ma région d'origine, les Hauts-de-France. Je crois que si cet univers m’appelait, c’est qu’il était fondamentalement lié au défi environnemental auquel est soumis l’industrie de la mode. J'ai donc voulu saisir l'opportunité et réaliser mon stage de fin d'étude en tant que Responsable Bon Sens, un poste nouveau chez Le Slip Français qui renforce ses engagements au fil des années… et je suis restée ! Le Slip Français est une entreprise qui s’engage à plusieurs niveaux et laisse carte blanche aux initiatives, ce qui est très motivant.

Pour la majorité des personnes qui ne sont pas du milieu, on ne sait plus vraiment que le Nord était une des places principales du textile en Europe. Mais si l’on regarde autour de soi, à Roubaix par exemple, on s’aperçoit qu’il y a plein d’usines désaffectées réhabilitées en lieux culturels et alternatifs ou en musées [comme la Manufacture de Roubaix, devenue Musée de la mémoire et de la création textile ; le Plateau Fertile dans l’usine Roussel de Roubaix, devenue lieu d’expérimentation d’une mode durable et zéro-déchet ; le Nouveau Lieu à Lille, une ancienne usine de lin devenue ateliers d’artistes]… 


Quel rapport le Slip entretient-il aux territoires dans lesquels il s’inscrit ?

Le Slip Français valorise les savoir-faire locaux et les entreprises qui les font vivre. En s’associant au fil des années avec de nombreux ateliers sur l’ensemble du territoire, nous en sommes arrivés à constater qu’où que vous soyez en France, un atelier partenaire est situé à moins de 250 km. Aucun objectif spécifique n’était préétabli. Nous en avons simplement fait le constat, et en sommes fiers, car cela illustre notre engagement. Nous allons surtout chercher le savoir-faire où il est. Chaque région a ses spécificités. Par exemple, nous produisons nos charentaises en Charente Maritime, nos espadrilles en Nouvelle Aquitaine ; pour le bain nous travaillons avec ​​la Confection du Coglais, un spécialiste du maillot de bain, dont les origines tournées vers le luxe français garantissent une réelle qualité. 

Nous cherchons à établir des relations de long terme avec nos fournisseurs, en évoluant mutuellement dans le bon sens. Se renforcer les uns les autres nous rend plus compétitifs. Ainsi, Lemahieu dans le Nord est un de nos partenaires historiques, nous travaillons avec cette manufacture spécialisée dans la maille depuis nos débuts.

 

« [...] où que vous soyez en France, un atelier partenaire est situé à moins de 250 km »

 

Qu’est-ce qui a amené le Slip à s’ouvrir à d’autres produits ? Y a t il une recherche autour de sous-vêtements en laines françaises ?

Il est vrai qu’au départ nous avons fait des sous-vêtements homme puis des pyjamas, mais l’idée a été très vite de se diversifier pour montrer que le projet allait au-delà de ces produits. Il faut aujourd’hui montrer que faire du 100% français, c’est possible. On a commencé la lingerie femme en 2017, puis on s’est orienté vers des vêtements et des basiques créés pour durer et être gardés dans le temps. Ces pièces incarnent notre philosophie du « consommer moins, mais mieux».

Et puis il y a la redynamisation du tissu industriel français. Les charentaises par exemple, sont indubitablement synonymes de savoir-faire local, voire régional. C’est pourquoi avec la demande de chaussons liée au regain d’intérêt pour le Made in France et dans la perspective des fêtes nous nous sommes adressés à nos fournisseurs de charentaises. Mais lorsque ceux-ci n’ont plus pu suivre les commandes qui nous parvenaient, nous avons franchi le pas en ouvrant une usine de pantoufles complémentaire ! Le projet derrière reste toujours le même : garder notre production en France.

Enfin, la question des sous-vêtements en laine n’est pas dénuée de sens, car nous travaillons nos sous-vêtements essentiellement avec du coton, mais aujourd’hui, il ne serait pas impossible de lancer une recherche vers des dessous en fibres mélangées avec de la laine…

 

« En termes de redistribution de valeur, la notion de filière est très importante. »

 

En quoi diriez-vous que Le Slip Français s’engage durablement pour la société de demain ?

Je dirais en amont que réaliser le tissage, le tricotage, la confection et le packaging en local est déjà un grand pas. C’est un challenge économique qui n’est pas gagné d’avance.  Mais tout commence avec le client. Si l’on arrive à le rendre conscient de son achat et à gagner sa confiance, un bon bout de chemin est déjà tracé pour l’avenir. Je pense que ce que nous faisons chez Le Slip Français, en montrant que le territoire français est attractif et dynamique, c’est une promesse de durabilité et de résilience pour les générations à venir.

Pour répondre autrement, je peux aussi parler de la typologie de nos clients, auprès desquels nous menons régulièrement des enquêtes de reconnaissance. Nos clients « type » sont à 50% des femmes, 50% des hommes, et 70% achètent en ligne. Ils ont la quarantaine, sont plutôt citadins, et résident partout en France. Ils s’intéressent au voyage, à la culture, au design, au sport, à la mode, ou encore aux médias… Ce qui est frappant, c’est lorsque je dis à des amis qu’un boxer coûte quarante euros, ils me répondent en rigolant que c’est beaucoup. Mais nous sommes trop habitués à croire qu’un vêtement ne coûte pas cher. Faire entendre et comprendre toutes ces informations est un objectif saillant pour lequel nous devons, avec les membres du Collectif Tricolor, nous engager.


Qu’est-ce qui a motivé la marque à intégrer le Collectif Tricolor
? Et comment avez-vous pris connaissance du Collectif ?

L’adhésion à ce collectif nous était naturelle car ce que l’on défend, c’est une production et une confection française. En ayant déjà une filière française développée pour le lin, il était tout à fait complémentaire de s’inscrire dans le mouvement de relocalisation de la filière lainière ! Plus nous relocalisons les étapes et plus nous sommes cohérents. Aujourd’hui, nous pouvons dire que nous avons du lin et de la laine entièrement français dans nos vêtements. Cela permet non seulement d’être plus compétitifs vis-à-vis des autres marques, mais aussi de mieux valoriser les produits. En termes de redistribution de valeur, la notion de filière est très importante.


Enfin, quelle serait selon vous l’action principale à réaliser aujourd’hui pour les filières lainières de demain ?

Ce que l’on aime bien faire au Slip, c’est expliquer les choses. Faire preuve de pédagogie envers les consommateurs, afin qu’ils deviennent des maillons conscients de la chaîne. Il est nécessaire que ceux qui achètent connaissent l’histoire de ce qu’ils vont porter, ainsi que les bénéficiaires de l’argent qu’ils dépensent. La majorité de la population de consommateurs n’est pas au fait des étapes de transformation, de création, ou de distribution des vêtements qu’elle achète. Il est difficile d’avoir conscience de l’ensemble des étapes qui sont réalisées avant de trouver son pull en magasin… En payant un vêtement, il est aujourd’hui extrêmement important d’accepter que toutes les personnes ayant contribué à la présence de ce produit en magasin soient rémunérées !

Ensuite, au-delà de l’achat raisonné, il y a la création de partenariats, car à plusieurs nous touchons toujours plus de publics. Par exemple, nous sommes en partenariat avec 
Saint James depuis huit ans, avec qui nous réfléchissons et créons autour de problématiques communes [cliquer ici pour découvrir la co-collection ! ].

Je pense en dernier lieu qu’il est important d’avoir des marques ou des groupements de marques françaises [comme le groupe Façon de Faire, membre fondateur du Collectif Tricolor] qui se positionnent pour répondre aux demandes de la grande distribution. Car oui, il est important de considérer aussi les grands pouvoirs économiques. Ce qui est fou, c’est que le regain d’intérêt pour la relocalisation de la production a réellement décuplé grâce à la demande de masques de la première année « covid ». Les masques ont révélé la nécessité de prendre en compte les ressources matérielles et humaines des territoires et l’intérêt de la solidarité. Avec l’accompagnement de l’Etat, tout le monde a commencé à créer des partenariats et des mises en commun d’outils de production. Je crois que cela n’était pas arrivé depuis bien longtemps… Il faut croire en l’avenir !

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