Portraits du Collectif Tricolor. Une multiplicité de professions, et autant d’hommes et de femmes engagés dans la restructuration des filières lainières françaises. À travers une série d’entretiens, le Collectif Tricolor vous emmène à la rencontre de ses partenaires. __________________________________

Aujourd’hui, rencontre avec Marion Colnet, chargée de mission développement de filières économiques durables au sein du Parc naturel régional [PNR] de Lorraine, rattachée au service attractivité du territoire, dans le cadre d’un projet de collaboration avec le Collectif Tricolor pour la revalorisation des laines de la race Est à laine Mérinos.

Un projet européen pour un centre de transformation de laine

Le PNR Lorraine, dont la mission en tant que parc régional vise à mettre en valeur les richesses culturelles, environnementales, historiques et humaines du territoire lorrain, est engagé depuis 2017 auprès du projet européen DEFI-Laine. Ce projet rassemble douze partenaires engagés pour la valorisation de la laine sur les territoires de Belgique-Wallonie, de Lorraine et du Luxembourg. Leur but ? Initier et concrétiser des débouchés pour cette matière première sur le territoire de la Grande Région. [1]

Tout a commencé avec une étude stratégique menée sur deux ans afin de déterminer les attentes des consommateurs vis-à-vis des produits issus de la laine, ainsi que le potentiel développement de ces produits. Il s’agissait de mettre en parallèle la demande et la disponibilité de la ressource. Plusieurs débouchés ont ainsi été définis tels que la demande autour des produits du pied [le chausson, la chaussette ou encore la semelle], les matériaux d’isolation jouant sur la combinaison rare des propriétés phoniques et thermiques de la laine, des fils techniques adaptés aux vêtements outdoor, ou encore la literie. Cette dernière n’a d’ailleurs pas été retenue dans le projet car le créneau a été récemment et intensément repris par une entreprise [Laine en rêve - 54], entreprise coopérative spécialisée dans la production d’articles de literie haut de gamme à partir de laine collectée localement.

En complément, DEFI-Laine a étudié la faisabilité d’installation d’unités locales de transformation en Moselle du Sud, secteur qui accueille la majorité du cheptel ovin du territoire. Il s’est avéré qu’une unité de transformation d’articles en feutre et de panneaux d’isolation en matériaux biosourcés était viable et pérennisable. A terme, la chaine de production pourra travailler de petits lots de laine ainsi que des volumes plus conséquents, et proposera une offre de service à façon flexible et réactive pour les éleveurs, artisans, entreprises et donneurs d'ordre... Un démarchage commercial auprès d’une centaine d’entreprises a également permis d’évaluer les besoins et les attentes. Sur la base de ces travaux, la Société Coopérative d’Intérêt Collectif [SCIC] MOS-laine a été créée en juillet 2021. Cette coopérative regroupe des éleveurs, des collectivités et des entreprises de la filière, et sera d’ici fin 2022 en capacité de transformer près de 25% de la production lainière de Lorraine au lancement de l’activité [soit 90 tonnes sur un total de 365]. Pour l’expertise technique, le groupe s’est fait accompagner par le Centre d'essais textile lorrain [Cetelor] basé à Epinal. Avec le temps et en travaillant sur une économie d’échelle, l’idée est d’ouvrir le centre de transformation à des échelles plus vastes… Pourquoi pas en partenariat avec d’autres parcs régionaux ?
L’un des rôles fondateurs des PNR est d’initier des projets exemplaires et durables dont ils laissent a posteriori la gestion aux structures porteuses, tout en les accompagnant dans la durée. 
Dans ce projet apparaît finalement une autre dimension majeure des actions du PNR, celle de la mise en réseau. En effet, des partenariats forts sont par exemple entretenus avec la Chambre d’agriculture ainsi qu’avec le Syndicat ovin de la Moselle. C’est grâce à leur expertise que sont par exemple menés les travaux d’enquêtes auprès des éleveurs, ou encore la mise en réseau de ces éleveurs avec les entreprises.

Des laines locales valorisées par l’industrie textile régionale

Le quart nord-est de la France connaît une forte population d’Est à laine mérinos, une race ovine dites « mérinisée », ce qui signifie qu’elle descend directement du mouton mérinos d’Espagne, dont la laine superfine suscite un engouement international depuis le XVIIIe siècle [pour en savoir plus, cliquez ici !]. Afin de tirer parti de cette qualité de finesse, le PNR Lorraine s’est donc mis en relation avec l’association Est à laine Mérinos, au sein de laquelle certains éleveurs ont bénéficié d’une formation au tri des toisons, afin de sélectionner les laines en fonction de leurs débouchés. Un premier lot de laine a ainsi été collecté, analysé par le laboratoire belge CELABOR, en vue de réaliser des tests de lavage, peignage et filage en lien avec des entreprises françaises et de la Grande Région. Fruit de cette expérimentation : une première collection de chaussettes 100% laine lorraine réalisée dans les ateliers de confection de l’entreprise alsacienne Labonal ! A l’avenir, si ce test de marché grandeur nature s’avère concluant, le partenariat avec cette entreprise pourrait être reconduit sur des volumes de laine plus conséquents.

L’isolation phonique et thermique, le duo gagnant des laines françaises 

Différents chantiers pilotes de rénovation de bâtiments publics ont par ailleurs été menés, misant sur les propriétés thermiques et d'absorption phonique de laine. Comme pour les fils issus de la race Est à laine, des tests et des caractérisations en laboratoire ont été réalisés en collaboration avec le Cetelor en vue de créer des panneaux isolants. Sept établissements de Lorraine ont ainsi déjà été rénovés avec l’équivalent de 12 tonnes de laine. A l’avenir, cette activité sera poursuivie par la coopérative Mos-laine présentée plus haut, qui proposera à la fois des panneaux isolants et de la laine en vrac à souffler. Parmi les chantiers réalisés : l’isolation de la salle des fêtes de la commune de Mandres-aux-Quatre-Tours [54]. Ce projet a été réalisé en partenariat avec le CAUE de Meurthe-et-Moselle [Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et de l’Environnement], sous la maîtrise d’œuvre d’un architecte local spécialisé dans l’éco-rénovation, et avec le concours d’entreprises du bâtiment de la région.

Le design au service de la matière

En 2018, alors que le Collectif Tricolor prenait naissance, le PNR Lorraine faisait appel à une designeuse nancéienne, Céline Lhuillier, dans le but d’inviter des artisans de la Grande Région à se réapproprier la laine et à concevoir une collection de produits représentant la diversité de ses propriétés intrinsèques. Cette initiative s’inscrit dans la volonté de la part du Parc de nouer des partenariats durables avec les éleveurs et les transformateurs, et de mettre en place un lien de proximité « de la bergerie à l’atelier ».

La laine chez nos voisins

Il est enfin important de souligner que l’ensemble de ces projets a pu être réalisé grâce à l’accompagnement et l’expertise laine amenée par la Belgique, grâce au partenariat avec l’association Filière laine, qui œuvre à la sensibilisation et à la promotion de la laine, ses produits et ses métiers. [2] Création de richesses, échanges de compétences, et diversification des échelles, tels sont les résultats des projets de coopération menés par le Parc naturel régional de Lorraine.

 

Plus d’infos sur le site du Parc Naturel Régional Lorraine https://www.pnr-lorraine.com/agir/les-actions-du-parc/economie-de-proximite/programme-de-cooperation-europeen-defi-laine/

… et sur le site de la Fédération des Parcs naturels régionaux de France https://www.parcs-naturels-regionaux.fr/les-enjeux/agriculture-et-alimentation/tricolor-un-collectif-pour-la-renaissance-de-la-laine-en?fbclid=IwAR1LnTer2CwwgSbkZA_q0POevBg0X2qUlZas8k9DwyPPMg4KxTzBSNmP-hY

Notes

[1] Chacun aura sans doute remarqué l’absence de l’Alsace dans cette grande famille du quart nord-est de la France… En effet, les découpages administratifs amènent les projets à sortir des logiques territoriales. Ainsi, la région Grand Est n’appartient pas à la Grande Région, seule la Lorraine est rattachée à ce territoire de coopération. L’Alsace de son côté travaille plus avec les Allemands, et la Champagne-Ardennes avec la Belgique flamande. 
On compte de plus six parcs naturels régionaux dans le Grand Est : le Parc de Lorraine, le Parc des Ballons des Vosges et le Parc des Vosges du Nord à cheval avec l’Alsace. La Champagne-Ardennes comprend le Parc des Ardennes, celui de la montagne de Reims et le Parc de la Forêt d’Orient.

[2] Il faut savoir que la Belgique, ou plutôt les Flandres, dès le XIIe siècle, sont l’un des principaux centres européens de commerce et de transformation de laine. Jusqu’au XIVe siècle, l’industrie textile demeurera la seule industrie du territoire et deviendra un pôle mondial d’échange et de production entre le XIVe et le XIXe siècle, avant de sombrer face à la concurrence du coton, des fibres synthétiques et de la délocalisation du marché et des activités vers les pays émergents. 
Pour en savoir plus : Koller E. Franck. « Bruges et le commerce médiéval, anglo-flamand, de la laine dans une perspective géographique. », dans : Norois, n°92, 1976. pp. 604-610.

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