la voix des éleveurs au cœur d’une filière laine française renouvelée
 

Depuis les fondements du projet en 2018, le Collectif Tricolor porte une ambition claire : reconstruire une filière laine française équitable, durable et ancrée dans les territoires. Mais ce que l’on sait moins, c’est que cette initiative nationale est née d’une volonté ferme des éleveurs eux-mêmes.

Un projet d’éleveurs, pensé pour les éleveurs

Le Collectif Tricolor n’est pas une simple plateforme de mise en relation entre acteurs de la laine. Il est avant tout le fruit d’une mobilisation de longue haleine, initiée par les éleveurs ovins et leurs représentants. Sa création a été portée par la Fédération Nationale Ovine, les sections ovines de Races de France et de la Coopération Agricole, ainsi que par la Bergerie Nationale de Rambouillet, référence historique de l’élevage lainier.

Dès l’origine, ces structures ont souhaité engager un dialogue équitable avec les entreprises de transformation, les industriels, les designers et les distributeurs, pour redonner à la laine française la place qu’elle mérite.

Aujourd’hui, le tiers du conseil d’administration du Collectif Tricolor est constitué d’éleveurs et de représentants directs du monde agricole, témoignant d’une gouvernance partagée et représentative.
 

Une matière noble trop longtemps négligée

Chaque année, ce sont plus de 10 000 tonnes de toisons qui sont tondues dans les quelque 25 000 exploitations ovines professionnelles en France. Un geste essentiel pour le bien-être des brebis, mais dont la valorisation économique reste marginale, voire inexistante dans certaines régions. Pour François Monge, éleveur et président de la filière ovine à la Coopération Agricole : « La tonte est indispensable pour le bien-être des brebis, mais la laine est devenue une charge. Il est indispensable que nous travaillions tous ensemble pour redonner de la valeur à ce produit. »

Cette situation appelle une réponse collective, ambitieuse et structurée. C’est tout le sens de l’action du Collectif Tricolor : reconnecter les savoir-faire agricoles, industriels et créatifs autour d’une matière à fort potentiel environnemental et culturel.
 

Des voix engagées depuis 2018

Dès le départ, plusieurs éleveurs ont pris part à cette dynamique. Jean-Roch Lemoine, tout premier président du Collectif Tricolor et secrétaire général adjoint de la FNO, parle d’un défi collectif : « Le but est de trouver la bonne complémentarité entre tous. Comme l’association de la culture et de l’élevage, ce projet construit des ponts entre métiers qui n’ont pas souvent l’occasion de dialoguer. »

Lui-même éleveur dans l’Aube, il a fait évoluer l’exploitation familiale en renforçant l’autonomie de son troupeau de 2 000 brebis. Pour lui, la laine, c’est autant une question d’économie que de mémoire, de territoire, et de transmission : « Brebis, chaleur, pull, tonte… mais aussi ma mère qui tricotait, la ferme, les souvenirs. Être éleveur, c’est changer de métier tous les jours. »
 

Une diversité de races, une richesse de toisons

Pour Jean-Paul Rault, éleveur de moutons Vendéens sur la côte Atlantique, président de la section ovine de Races de France : « La diversité des races ovines françaises entraîne une diversité des toisons… trop longtemps négligée. Une telle initiative ne peut qu’encourager les sélectionneurs à conserver ce patrimoine unique. »

Le Collectif Tricolor ne vise pas une uniformisation, mais au contraire une mise en valeur des spécificités régionales, des micro-filières, des races rustiques comme du Mérinos d’Arles.

Laine d’Éleveurs est un collectif récemment constitué dans le Limousin, rassemblant des éleveurs soucieux de redonner une valeur d’usage et de reconnaissance à la laine issue de leurs troupeaux. Fondé à l’initiative d’Alex Rotureau, ancien éleveur de brebis engagé, le collectif incarne une dynamique locale prometteuse, avec pour ambition de structurer une filière de valorisation territoriale de la laine. Membre du Collectif Tricolor, Laine d’Éleveurs travaille actuellement au développement de projets pilotes, notamment la mise en place d’une unité de lavage sur le territoire, ainsi que la transformation de la laine en pellets destinés à l’amendement des sols. Dans le même esprit, la Filature Colbert, dont le capital est détenu majoritairement par l’APL BR – l’Association pour le Lait de Brebis Roquefort – a mis en place une production de non-tissé aiguilleté en laine locale, destiné à l’isolation et au paillage horticole. Ces exemples illustrent la force du dialogue entre des collectifs d’éleveurs engagés et les outils industriels indispensables à une valorisation cohérente, durable et territoriale de la laine, au plus près de ceux qui la produisent. Dans les Pyrénées, la société Marelha collabore étroitement avec un collectif d’éleveurs de races locales, Aure et Campan et Lourdaises, pour structurer une chaîne de collecte, de tri et de classement des toisons en fonction de leur qualité. Cette approche rigoureuse permet d’optimiser la valorisation des laines issues de ces races rustiques et de favoriser le développement de matières textiles innovantes, ancrées dans leur territoire d’origine.

Antoine Brimboeuf et un troupeau de Mérinos de Rambouillet à la Bergerie Nationale
 

Un projet ancré dans l’histoire et le territoire

Berceau du mérinos français introduit sous Louis XVI, la Bergerie nationale de Rambouillet a été fondée dès la fin du XVIIIᵉ siècle avec un objectif visionnaire : revaloriser les toisons françaises en améliorant la finesse et la qualité des races ovines locales. Ce mouvement de mérinisation fut l’une des premières tentatives structurées pour faire de la laine française une ressource stratégique et reconnue. Mais cet élan fut rapidement rattrapé, dès la fin du XIXᵉ siècle, par la mondialisation naissante, la standardisation des marchés et l’essor des grands élevages ovins de l’hémisphère sud, orientés exclusivement vers la production de laine. La filière française, centrée sur un élevage mixte – viande et lait –, en perdit peu à peu la valeur de ses toisons.

C’est dans cet héritage complexe, mais profondément ancré dans le territoire, que s’inscrit aujourd’hui l’engagement de la Bergerie nationale, membre fondateur du Collectif Tricolor. Institution pionnière de formation, de recherche et de médiation entre les mondes agricole, éducatif et urbain, elle continue à jouer un rôle central pour faire émerger de nouveaux équilibres.

À travers des figures emblématiques comme Antoine Brimbœuf, berger et formateur à Rambouillet, c’est toute une chaîne de transmission qui se perpétue, entre mémoire et innovation : « Il faut sortir de l’entre-soi scientifique et porter la connaissance au-delà des cercles préconçus. » Plus qu’un simple lieu de patrimoine, la Bergerie reste un levier vivant pour repenser l’avenir des toisons françaises.

 

Une filière solidaire, éco-responsable et à taille humaine

Pour Michèle Boudoin, éleveuse de brebis Rava dans le Massif central, présidente de la FNO et présidente du groupe Ovin au Copa-Cogeca : « Travailler sur la valorisation de la laine, c’est faire reconnaître tout ce que peut apporter l’élevage ovin à la société… Le Collectif Tricolor est l’occasion de montrer que la diversité peut être une force. »

À travers ses projets pilotes, ses expérimentations industrielles, ses partenariats avec des marques engagées, le Collectif œuvre pour une filière durable, solidaire et nationale, où chaque maillon — de l’éleveur au designer — est valorisé et reconnu.

 

Les Pastorales : recréer des liens entre l’élevage et les filières associées

Porté par le Collectif Tricolor, le programme Les Pastorales entend replacer les éleveurs ovins au centre du jeu. Trop souvent relégué en marge des débats économiques et culturels, leur métier constitue pourtant un véritable pivot territorial. En amont de plusieurs filières essentielles – laine, cuir, lait et viande – l’élevage ovin irrigue une chaîne de valeur à la fois agricole, artisanale, industrielle et créative. À travers une démarche de mise en réseau sur l’ensemble du territoire occitan, Les Pastorales vise à fédérer les acteurs de ces filières autour d’une vision transversale : valoriser les savoir-faire liés au pastoralisme comme leviers de développement rural, de transition écologique et d’innovation culturelle. En misant sur la coopération interprofessionnelle, l’ancrage patrimonial et l’attractivité touristique, le Collectif Tricolor affirme la nécessité de repenser ces filières comme des écosystèmes vivants, au service des territoires.
 

Un fil conducteur entre les mondes

Le Collectif Tricolor n’est pas un projet textile parmi d’autres : il est une plateforme vivante de dialogue, d’action et de coopération, née du terrain et portée par ceux qui vivent l’élevage au quotidien. À travers des initiatives concrètes comme le programme des Pastorales, qui retisse des liens entre l’élevage ovin et ses filières associées — alimentaire, laine, cuirs —, le Collectif œuvre à une reconnexion profonde entre agriculture, industrie, création et société. En recréant ces passerelles sur le terrain, en rapprochant les professionnels de la transformation et de la distribution des réalités pastorales, il redessine une chaîne de valeur plus cohérente, plus humaine et plus résiliente. À l’heure des défis climatiques, économiques et sociaux, il est plus que jamais nécessaire de soutenir les éleveurs, valoriser leurs productions et reconstruire ensemble des modèles de production ancrés dans les territoires.

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