Portraits du Collectif Tricolor. Une multiplicité de professions, et autant d’hommes et de femmes engagés dans la restructuration des filières lainières françaises. À travers une série d’entretiens, le Collectif Tricolor vous emmène à la rencontre de ses partenaires. __________________________________

Aujourd’hui, rencontre avec Thierry Brun, président de Devernois.

Implantée depuis 1927 à Roanne, petite sœur de la capitale textile de la vallée du Rhône [Lyon] depuis le XIXe siècle, l’entreprise Devernois s’est spécialisée dans le jacquard masculin, avant d’ouvrir ses créations aux prêt-à-porter féminin. 

Pour commencer, que vous évoque personnellement le mot 
« laine » ?

La laine évoque pour moi une matière naturelle, les prés, les moutons, les hommes qui en prennent soin… mais aussi ce qui nous protège et nous tient chaud. 

Dans quel contexte avez-vous été amené à exercer votre profession ? 

Il s’agit d’une histoire familiale, issue de la volonté de maintenir une marque de vêtements engagée dans son territoire. Avec Séverine, ma femme, petite fille de Claudius Devernois, le fondateur, nous avons racheté la société il y a quelques années, à son oncle et ses parents, qui ont été la 2ème génération à diriger la société, à l’heure de leurs départs à la retraite.

 

« Je pense qu’aujourd’hui nous devons faire plus simple. »

 

Quel rapport entretenez-vous au territoire, à la région dans lesquels vous vous inscrivez ? 

Nous sommes indubitablement inscrits dans notre territoire, le bassin Roannais, où la culture industrielle du vêtement est concentrée depuis l’essor du textile dans la région au XIXe siècle.
Ici, nous concentrons la production, le bureau de style, le patronnage, le prototypage, l'échantillonnage, le contrôle qualité… Les métiers sont variés, et qu’il s’agisse des prototypeurs, des échantillonneurs, des tricoteurs, ou encore de l’administration de l’entreprise, l’ensemble du personnel est domicilié dans la région. Nous tricotons donc sur place, et pour le tissage, nous achetons les tissus sur la base de nos modèles. La confection ainsi que la finition sont enfin faites en partie sur place et en partie dans les Pays de l’Est.

Pour résumer, nous concevons les vêtements à Roanne, mais la matière vient majoritairement d’Italie ; ou alors on tricote, et la confection est faite en Bulgarie, avant de revenir à Roanne et d’être vendue sur nos différents marchés. Je pense qu’aujourd’hui nous devons faire plus simple. Il y a trente ou quarante ans, tout était fait sur place! L’idée qui se cache derrière l’image de la marque est de relocaliser la plus grande partie de sa production. 


Devernois est passée par une phase difficile du fait du confinement. Entre Tricolor et de nouvelles sources de financement, le mouvement qui s’organise en faveur de matières et de confections françaises désigne-t-il une solution pour se redresser aujourd’hui ? 

Tout d’abord il faut être conscient qu’en relocalisant la production, nous ne ferons pas baisser les coûts, mais l’objectif est ailleurs. L’attrait actuel pour les vêtements de seconde main implique une reconsidération de leur qualité à l’achat, et je pense qu’en insistant sur l’origine des produits et la manière dont ils sont créés, oui, nous engageons un mouvement de redressement. Le sens et la valeur que l’on donne aux produits évoluent. Il faut saisir cette occasion, se donner les moyens et le faire. Le souci, c’est d’avoir la matière, donc nous devons communiquer sur l’histoire de l’entreprise et sa technique, afin d’éduquer non seulement le consommateur, mais aussi nos responsables de magasins. C’est aussi une question de communication.

Devernois est à l’origine un industriel du tricot, qui a délocalisé la production au fil des années… comme tout le monde. Ce que nous sous-traitons aujourd’hui devrait progressivement nous revenir et il est d’actualité de réinvestir dans des métiers à tricoter.

 

« [...] nous cherchons à diversifier les laines utilisées, en suscitant une recherche autour de l’amélioration du processus de filature. »

 

Par essence, le luxe est réservé à une élite et c’est en cela que nous nous en démarquons, en ayant des gammes de produits plus larges… Tout en nous démarquant d’un certain nombre de marques de prêt-à-porter en produisant une partie nous-même. Positionné dans le haut-de-gamme, nous recherchons les bonnes matières et une accessibilité du produit fini.


Qu’est-ce qui vous a motivé à intégrer le Collectif Tricolor ? Et comment avez-vous pris connaissance du Collectif ?

Dans notre volonté de retrouver des matières françaises, je suis allé voir Pascal Gautrand, le délégué général du Collectif  pour en savoir un peu plus sur ces laines françaises et leur disparition ! Tant sa personnalité que les objectifs du projet m’ont séduit, car si les filateurs italiens nous donnent satisfaction, il reste qu’utiliser de la laine française transformée en France, c’est encore mieux.

En effet, nous cherchons à diversifier les laines utilisées, en suscitant une recherche autour de l’amélioration du processus de filature. En étant commandeur de fil et en faisant la promotion de la qualité de ceux-ci, notre rôle est aussi d’aider les filatures à se relancer.
 

Enfin, quelle serait selon vous l’action principale à réaliser aujourd’hui pour les filières lainières de demain ?

Je pense qu’il faut tout mener de front. Le produit, la communication et la recherche forment un tout dont les entités sont interdépendantes. Si on garde la laine française dans les laboratoires, jamais elle n’aura de visibilité et ne suscitera d’attrait. Et inversement, si on ne fait que communiquer sans avoir de produits derrière, nous n’avancerons pas, donc la disponibilité de la matière est indispensable.  

Pour conclure, j’ai vraiment à cœur de faire en sorte que Devernois relocalise et utilise des matières françaises nobles, car 95% de ces matières partent en Chine pour réaliser des sièges de voiture, et je trouve cela  très triste.  
 

Logo

La renaissance des filières de laines françaises

Mentions légales

© Collectif Tricolor 2021 / Crédits photo : New Wave Production

Nous avons besoin de votre consentement pour charger les traductions

Nous utilisons un service tiers pour traduire le contenu du site web qui peut collecter des données sur votre activité. Veuillez prendre connaissance des détails et accepter le service pour visualiser les traductions.